Le Gaucher et moi avons décidé d'un
accord commun (et tacite) d'en rester là, vu que nous ne trouvions ni
l'un ni l'autre ce que nous recherchions en ayant ce type de relation
poussées. C'est alors que j'ai commencé à remarquer l'intérêt de
Finnigan à mon égard. A priori, je n'aurais jamais cru m'intéresser à
lui. Petit, sec, blond aux yeux très clairs : pas du tout mon genre.
Physiquement.
Et puis, en passant de plus en plus de temps avec
lui, j'ai commencé à envisager de le voir autrement que comme un ami.
J'ai été intriguée par son côté un peu secret, obscur parfois ; tout en
sachant que j'allais probablement au devant de la découverte de sombres
complexités, doutes et incertitudes, j'ai eu envie d'en savoir plus.
Alors,
un soir, j'ai accepté de prendre un verre chez lui. A minuit, nous
étions seuls tous les deux. Trois heures plus tard, la peur au ventre,
le coeur battant à tout rompre, les veines inondées d'adrénaline, je me
suis blottie contre lui. Quand il a passé son bras autour de mes
épaules, j'ai entrevu l'espoir, à nouveau. L'espoir de pouvoir, à
nouveau, aimer et faire confiance. La possibilité, fragile mais
vivante, de laisser se développer ce genre de relation, malgré ma peur,
sans la vision de quelques 9000 km de distance à chacun de ses gestes
vers moi, de mes gestes vers lui.
Une semaine plus tard, nous
commencions à nous révéler l'un à l'autre, à nous avouer d'intimes
complications et notre incompétence, chacun d'une manière particulière,
à avoir une relation sexuelle normale (et par normale, j'entends
moyenne, dans la norme).
Le lendemain matin, le monde chantait,
le soleil brillait, j'avais la tête dans les étoiles, je me trouvais
belle dans la glace, nous allions dans la bonne direction pour vaincre
mes réticences, ses défaillances.
Bien sûr, je restais réaliste.
Entre les différences culturelles, mon incapacité à m'exprimer aussi
joliment, aussi fluidement, aussi justement en anglais qu'en français,
nos complexités, et ma difficulté à nouer une relation amoureuse, il y
a de fortes chances pour que nous ne soyons jamais amoureux.
Mais
la tendresse s'installait. La confiance aussi. Et le simple plaisir de
partager un jus d'orange sous les rayons du soleil, en tête à tête.
Même
si je n'ai pas arrêté de penser qu'il n'arrive pas à la cheville de
Shy, je crois aussi ne pas le connaître suffisamment pour juger.
Et
puis, ce week-end. Un samedi soir parfait. Un bon film. Un verre autour
duquel nous discutons de tout et de rien. Les baisers, de plus en plus
langoureux, de plus en plus appuyés. Sa main prenant la mienne pour
m'entraîner dans sa chambre. Les caresses, la tendresse, la douceur,
l'excitation qui monte. Son sourire, mes yeux dans ses yeux, sa
jouissance.
J'ai inscrit "Do you mind if I take a shower?" au palmarès des phrases qui tuent, malgré le "Do you mind".
Je
me suis vraiment sentie salie. Insultée. Trahie. Je recommençais à
accorder ma confiance, et je tombe sur un salaud qui n'a même pas
compris que ce genre de choses, c'était à double sens.
J'ai
ravalé mes larmes, ma fierté, ma rage. Je me suis rhabillée. Et j'ai
répondu. "Do you mind if I go home?". Et je suis partie. Sans me
retourner.
Au fond de moi, quelque chose espère qu'il s'agit d'un immense malentendu. Mais la confiance est morte. Pour toujours ?